garde le cap pendant l'absence du marin

Par temps de COVID, garde le cap !

Le COVID a chamboulé nos modes de vie. Pour nous, femmes de marin, il a notamment rendu les absences plus pesantes qu’elles pouvaient l’être. Les prochaines semaines s’annoncent particulièrement rudes. Pourtant, avec bientôt un an de recul sur la vie avec le COVID, nous pouvons déjà tirer quelques enseignements. Pour l’occasion, c’est Emilie qui prend la plume et partage son expérience et ses conseils.

L’absence et la solitude, tu connais sans doute. Tu les as vues, vécues et vaincues plus souvent qu’à ton tour. Pour moi, 2020 a changé la donne. Mon marin était en mission lors du premier confinement. Le hasard avait bien fait les choses : j’ai passé un mois chez ma mère, en Belgique, avant de rentrer en France.

Mon homme repart bientôt, et les circonstances sont bien différentes. Je serai seule à la maison, pendant cinq mois, sans la possibilité de courir le vaste monde, ni revoir ma famille. Sans savoir quelles mesures sanitaires seront adoptées entre son départ et son retour, mais bien avec la certitude que cette situation est loin d’être temporaire.

Pour le vivre plus sereinement, il me semble dès lors essentiel de revenir sur mon expérience du premier confinement, d’en tirer toutes les leçons… et de te les partager ! Parce que se confiner dans la solitude et tenir bon face à l’absence n’est pas un simple défi à relever. C’est une épreuve d’endurance digne de celles que peuvent connaître nos conjoints en exercice ou en opération !

Tu souhaites avoir un coup d’avance et ne pas redouter la prochaine absence ? Voici ma stratégie.

Le terrain : ta maison

Bien avant chaque départ, avec mon marin, nous faisons le point sur les affaires en cours qui doivent être avancées, facilitées ou réglées. L’objectif est simple : au moment où le navire quitte le quai, il ne doit me rester que quelques formalités à entreprendre. Ainsi, je peux me concentrer sur ce qui est important pour moi, le temps de retrouver un nouvel équilibre.

Cette année, il s’est occupé d’installer des carrés potagers que je pourrai cultiver (tout confort, clé en main), et il a monté un nouveau lit dans la chambre de notre fille.

Chez nous, c’est notamment l’entretien des voitures qu’il gère avant le départ. Il s’assure aussi de la disponibilité des papiers dont je pourrais avoir besoin, pour la déclaration d’impôts par exemple, ou d’autres démarches administratives.

Anne-Laure

Et toi, de quelles tâches veux-tu être libre juste après son départ ? Que peut entreprendre ton conjoint pour alléger ces tâches avant de partir ? Prendre le temps de faire ce point quelques semaines avant le départ pourra t’en faire gagner considérablement quand tu seras seule à la barre.

avant absence marin anticiper tâches
Avant le départ, identifie les sujets sur lesquels tu aimerais avoir l’esprit libre pendant l’absence de ton marin.

La logistique : tes moyens

Au-delà de la préparation pratique, le confinement m’a montré qu’être consciente de mes ressources et formaliser mon intention de les utiliser était une force. Cela m’aide à juguler la culpabilité que je pourrais ressentir lors d’un achat « plaisir ». Cela m’aide à contourner l’impression de déranger des proches quand je les sollicite. Enfin, cela me permet, quand j’en ai besoin, de me sentir plus sûre de moi.

Tes ressources externes

Pour identifier tes propres ressources, tu peux te poser les questions suivantes :

  • De quels moyens disposes-tu ? Matériel, financier, environnemental, social (on y reviendra).
  • Comment vas-tu les utiliser ?

Ce peuvent être de petites choses : un endroit qui te ressource, un service sur lequel tu peux t’appuyer, une cagnotte dont tu disposes

Pour moi, il s’agit essentiellement de notre jardin, dans lequel je projette de faire pousser un tas de choses, de mon bureau, qui est l’endroit le mieux rangé de la maison, et de la nounou géniale qui s’occupe de notre fille. J’ai aussi un « bas de laine » que j’utilise exclusivement pour m’offrir de petits plaisirs comme un nouveau cahier (j’adore les paperblanks), un repas ou une boîte de bons chocolats.

Tes ressources internes

Discerner les ressources internes demande un peu d’habitude et beaucoup d’observation. Il s’agit de tes traits de personnalité ou de tes réactions dans les situations difficiles. Par exemple : sens de l’humour et spontanéité facilitent les relations, ou encore pugnacité, anticipation et sens pratique démêlent les impasses du quotidien.

Voici LA question à te poser pour débuter ce travail d’investigation : Qu’est-ce qui t’appartient en propre (ce trait de TA personnalité) et qui te sort systématiquement du pétrin ?

En ce qui me concerne, c’est ma résilience qui me permet de garder le cap. Je sais que je me remets toujours des tempêtes que je dois affronter. Alors quand je suis face à la vague, je me dis que c’est un mauvais moment à passer mais que je m’en relèverai. Et savoir que je surpasserai toujours les obstacles m’aide à le faire plus vite.

Anne-Laure

Si entamer cette réflexion est difficile pour toi, tu peux envisager d’en discuter avec une personne proche et bienveillante, voire avec un professionnel de l’accompagnement (psychologue, conseiller ou coach).

L’avant-poste : ton feed-back

En faisant le point sur les confinements passés, tu peux, toi aussi, dégager les leçons à tirer des derniers confinements. J’en ai identifié trois, qui agrémentent aujourd’hui ma stratégie pour la prochaine absence.

1. Ne laisse pas crever ta créativité

Toucher de l’art, toucher du beau et en créer est fondamental pour moi. Toutes les occasions sont bonnes pour écrire, mettre de la couleur et de la musique. J’ai donc décidé de concrétiser un projet de roman qui traîne depuis 2015. J’entretiens mon art au travers de divers exercices d’écriture ou de rhétorique. Je me suis également abonnée à un tas de chaînes Youtube portant sur la rédaction et le cinéma, afin de toujours baigner dans l’univers de la narration.

femme de marin occuper absence
Profite de l’absence pour faire ce que tu aimes, pour concrétiser tes projets ou tes rêves enfouis.

Et toi, quel est ton moteur ? Comment peux-tu en maintenir la vitalité sur le long terme ? Qu’est-ce qui est important pour toi, mais tellement pas urgent que tu le laisses systématiquement au frigo ? Comment peux-tu exhumer tout ça et le faire vivre ?

Répondre à ces questions te donnera des idées d’activités que tu pourras faire pour te ressourcer. Même si ce ne sont que 5 minutes par jour, avant le réveil des enfants. Ou pendant ta pause déjeuner.

Personnellement, ce qui me détend, c’est de bouquiner un bon roman policier. Je voyais difficilement quand trouver le temps de me poser avec un livre, surtout quand mon mari est en mer. Pourtant, je me suis rendu compte qu’au réveil je passais facilement 10 minutes à scroller Facebook sans que cela m’apporte grand chose. Désormais, c’est ma liseuse que j’attrape au lieu de mon téléphone au réveil.

Anne-Laure

2. Optimise ton plaisir

Regardons les choses en face : il est compliqué de se couper complètement de certaines sources de déplaisir : le caca dans la couche, la pression du travail, les actualités moroses, etc.

Cependant, de menus plaisirs se cachent un peu partout dans le quotidien. Je n’imagine même pas me priver d’un bon repas livré à domicile avec un verre de vin, d’une randonnée au soleil, de découvrir un nouveau film ou d’un énième visionnage de « Orgueil et préjugés ».

Pour toi, quels sont ces petits plaisirs à anticiper et à saupoudrer lorsque tu te sens solitaire ?

Définitivement, un bon plat de lasagnes (même si c’est Picard) et un verre de rouge sous le plaid devant une série Netflix que mon mari refuse toujours de regarder suffisent à me faire apprécier le moment.

Anne-Laure

Si tu as mentionné ton cercle d’amis, on y vient.

3. Maintiens ou crée du réseau

Dans la liste de tes ressources, peut-être as-tu identifié plusieurs personnes. Des amis, de la famille, des gens qui sont là pour te soutenir lorsque tu en as besoin. Se parler au téléphone est un bon remède mais ne résout pas tout si les conversations continuent de tourner autour du marasme ambiant (mon cas quand j’appelle ma mère).

J’ai ainsi sollicité le soutien d’une amie pour copiloter le projet d’écriture dont je t’ai parlé plus haut. Cela nous a offert de beaux moments d’échange. Mes écrits étaient pour elle une bouffée d’air frais, et ses encouragements m’ont permis de continuer et de me sentir fière !

Comment et avec qui créerais-tu de tels échanges nourrissants, loin des préoccupations sanitaires ?

J’ai opté pour un midi en visio avec une copine entrepreneuse. Chaque semaine, on parle alternativement de son activité ou de la mienne en devenir. Et on dérive parfois souvent sur les enfants, nos maris, ou tout sujet poil à gratter dont on a besoin de parler.

Anne-Laure

Et surtout, continue de créer du lien

C’est pour moi la leçon la plus cruciale. Les occasions de rencontrer de nouvelles personnes se sont envolées avec le confinement. Je me suis demandé comment pallier ce manque, en investiguant les outils de soutien aux familles du personnel du MINARM, et de la Marine Nationale en particulier.

femmes de marin en visio
COVID faisant, les rencontres physiques sont difficiles à mettre en place. Il reste néanmoins possible de se réunir en visio !

C’est ainsi que j’ai découvert l’Association de Soutien et Accompagnement pour Familles de Marins (A.S.A.F.M.) et le blog « Dans le même bateau » d’Anne-Laure, où je t’écris. Mais le questionnement ne s’arrête pas là.

Garder le cap

Comment puis-je être utile aux personnes, comme moi, restées sur le front de la maison, et ce sans faire doublon avec les initiatives existantes ?

Puisqu’il n’est plus possible de se voir en vrai, alors changeons de portage. Les réunions virtuelles peuvent, elles aussi, briser le sentiment d’isolement.

Comment puis-je transformer mes compétences de coach et mes talents d’écriture en quelque chose qui te serait utile à toi, femme de marin qui a le sentiment d’avoir perdu ta boussole ?

L’émulation collective

Si tu rêves de sortir du frigo ce projet important mais pas urgent, je t’offre la possibilité de capitaliser sur l’absence de ton conjoint et de le mettre en route. On se retrouve en groupe (virtuel, au moins dans l’immédiat), autour de nos projets, pour faire le point sur les avancées, les écueils et célébrer les victoires.

Rien de tel qu’une saine émulation pour se sentir progresser !

L’écriture

Les conversations téléphoniques avec ton conjoint, toujours trop courtes et trustées par le train-train quotidien, te satisfont moyennement ?

Au travers d’ateliers d’écriture, je décortique avec toi ce qui fait le sel des échanges épistolaires, pour transformer tes mails en un instant de double ravissement : à l’écriture et à la lecture. Tu ne te sens pas l’âme d’une George Sand ? Ce n’est pas grave. L’objectif est avant tout de transformer des sentiments en mots, sans (trop) se prendre la tête et sans se priver du plaisir de la belle littérature.

Si l’aventure te tente, tu peux me rejoindre et t’inscrire sur le groupe Facebook : Garder le cap. En arrivant, présente-toi ou contacte-moi. Je suis curieuse de savoir où tu veux aller.

Je rêve par ailleurs de voir la grande nébuleuse des familles de marin devenir quelque chose de plus cohérent, où la distance entre Brest, Paris, Cherbourg et Toulon ne se compte pas en années lumières, mais en quelques clics, en quelques mots. M’adresser à toi ici représente un premier pas vers cette vision et j’ai bon espoir que nous parvenions à faire vivre une communauté virtuelle qui appréciera de se retrouver régulièrement.

Pour aller plus loin

Les conseils que je viens de te confier sont des palliatifs, des actions qui peuvent s’avérer utiles ou salutaires, mais qui ne remplacent pas l’aide apportée par des professionnels tels que les assistantes sociales et les psychologues travaillant au sein du MINARM. Si tu perds pied, si la déprime est installée durablement, alors n’hésite pas une seconde à les contacter. C’est leur mission et leur travail que d’être à ton écoute.

En l’absence de ton conjoint, tu peux t’appuyer sur un dispositif ministériel de soutien psychologique des familles. Tu trouveras plus d’informations sur le site du MINARM.

Tu pourras également trouver des informations sur l’ensemble des aides auxquelles tu peux prétendre sur le portail de l’action sociale des armées.

Par ailleurs, sur Facebook, plusieurs groupes proposent aux conjoint.e.s de militaires de se soutenir. Voici ceux dont je fais partie et auxquels tu peux adhérer : A.S.A.F.M.(Association pour Familles de Marins), Mili Team: Entraide et Solidarité entre Familles de Militaires et Famille Défense Toulon.



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