Amandine a 32 ans. Elle a rencontré Arthur quand elle en avait 22. Lui se destinait à la Marine. Elle, poursuivait des études de droit et se voyait bien devenir avocate. Pour le suivre elle a abandonné la fac. Dix ans et deux enfants plus tard, elle enchaîne les petits boulots, quand elle a la chance d’en trouver un dans leur nouveau port.
Bien sûr, elle l’aime toujours autant. Mais elle n’ose pas lui parler de sa grande frustration : sa carrière. De cette rancune qui parfois la ronge. Après tout, c’est pour que lui puisse s’épanouir dans la Marine qu’elle a renoncé à ses propres ambitions.
Amandine rêve. De pouvoir exercer une activité professionnelle qui la passionne et qu’elle puisse poursuivre au gré des mutations d’Arthur. D’avoir un boulot qui ait du sens, dans lequel elle s’épanouisse. D’être financièrement indépendante, de contribuer à la vie de la famille tout en s’octroyant des petits plaisirs sans culpabiliser.
Et ma carrière ?
La question de la vie professionnelle des femmes de marin est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Parce que je suis convaincue de l’importance d’avoir un boulot épanouissant pour entretenir notre estime personnelle. Parce que je suis convaincue qu’une situation professionnelle satisfaisante se révèle bénéfique pour toute la famille.
Dans « Et ma carrière ? », je te propose de découvrir des portraits de femmes de marin qui ont trouvé un emploi répondant à leurs aspirations ET compatible de notre quotidien si particulier.
Pour inaugurer cette rubrique, c’était pour moi une évidence de te parler du parcours de Laura, jeune trentenaire, femme de marin depuis 12 ans et maman d’un petit garçon de deux ans.
Laura, c’est celle à qui j’ai demandé d’immortaliser ma première grossesse, les premiers jours de mon fils, son premier anniversaire. La photo était alors une occupation qu’elle exerçait en parallèle de son activité professionnelle principale.
Aujourd’hui photographe à temps plein, c’est naturellement vers elle que je me suis tournée pour immortaliser ma seconde grossesse, les premiers jours de ma fille et, récemment, son premier anniversaire. L’occasion pour moi de lui poser quelques questions.
Retour avec elle sur son parcours, sa reconversion, sa vie de femme de marin et mère.
Quelle était ta situation quand tu as rencontré ton marin ?
Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’étais étudiante en IUT à Brest et lui commençait ses classes à Cherbourg. Nous avons donc directement connu la distance. L’année suivante, alors que lui rentrait dans le Finistère, moi j’allais étudier à Rennes et, en alternance, vers Poitiers. En parallèle, j’étais réserviste dans la Gendarmerie.
Nous avons été habitués dès le départ à vivre à distance, cela fait partie de notre relation. Les séparations imposées par la Marine n’ont pas constitué un réel chamboulement dans notre histoire. Cela rend probablement les choses plus faciles à vivre, pour l’un comme pour l’autre.
Maternité et reconversion
Tu as exercé pendant 10 ans en tant que salariée, dans les ressources humaines. C’était un projet professionnel que tu avais avant de rencontrer ton marin ?
Pas vraiment. Mon IUT GEA était assez généraliste. J’ai poursuivi avec une licence pro dans la paye, plus par opportunité que par réelle vocation.
En revanche, si j’ai poursuivi dans cette voie plutôt que dans la Gendarmerie, c’est effectivement parce qu’il nous a rapidement semblé difficile de concilier notre relation et deux carrières de militaires, a fortiori dans des corps différents.
Ta récente reconversion en tant que photographe est-elle liée à la profession de ton conjoint ?
En partie. J’aimais la photo depuis de longues années, j’ai eu mon premier appareil photo pour ma communion ! Lors de ses premières grandes missions, j’ai dû m’adapter et surtout m’occuper, notamment durant les week-ends. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à lier l’utile à l’agréable : photographier mes amis, ma famille, pendant mon temps libre. Les premières grossesses dans notre groupe d’amis, en 2013, m’ont vraiment lancée et le bouche à oreilles a commencé.
J’ai franchi le pas de créer ma micro-entreprise en 2017, avec déjà l’espoir de pouvoir un jour en vivre.
Après avoir eu Ewen en 2018, je me suis dis que c’était le moment ou jamais ! Je ne pouvais plus cumuler mon activité salariée et mon entreprise de photo, tout en élevant mon garçon seule quand papa était absent. Son arrivée chamboulait de toute façon notre organisation familiale donc j’y ai vu l’opportunité de tout repenser.
Il fallait que je fasse un choix. Que NOUS fassions un choix, car cela impacte toute la famille. Mon conjoint m’a toujours encouragée. Le principal frein était la perte de revenus, donc la condition sine qua non était de pouvoir bénéficier des allocations chômage le temps d’installer mon activité. Ce que j’ai pu obtenir en négociant une rupture conventionnelle avec mon employeur.
Je me suis lancée à 100% en 2019.
Adapter son temps entre vie pro et vie perso
Tu exerces désormais en tant que photographe indépendante. Quels sont les avantages de cette situation dans ta vie de femme de marin ?
L’un des avantages majeurs c’est de pouvoir gérer mes horaires. Je peux me libérer facilement, pour les rendez-vous médicaux avec mon fils par exemple. Je peux adapter mon emploi du temps aux contraintes de ma famille, être plus disponible quand mon conjoint est absent.
Au-delà de ça, je me sens réellement épanouie. J’exerce un métier qui me passionne, et le statut d’indépendante me confère une liberté que j’adore.
Il y a quand même quelques inconvénients ?
La flexibilité horaire, c’est bien, mais a contrario, les horaires peuvent vite déborder sur la vie familiale, le soir ou le week-end. C’est d’autant plus difficile que la plupart des échanges avec mes clients passent par les réseaux sociaux donc je suis tentée de répondre à tout moment.
De plus, je travaille beaucoup de la maison. Cela demande une certaine discipline, pour ne pas être tentée de gérer toute la logistique domestique avant de se mettre à travailler. Et c’est vite perturbant pour mon conjoint ou mon fils quand ils sont là car, non, je ne suis pas en vacances ! Pas toujours simple de limiter les interruptions.
Il est donc indispensable d’avoir une rigueur personnelle et des règles claires à la maison pour maintenir un équilibre vie pro / vie perso satisfaisant pour toute la famille. Mes jours de travail sont définis. Evidemment, en tant que photographe, je dois désormais travailler le samedi, ce qui n’est pas toujours idéal pour la vie sociale et familiale. C’est un rythme à prendre.
Par ailleurs, n’ayant plus de collègues de travail, c’est à moi de créer mon cercle social pour ne pas m’isoler, surtout quand mon conjoint est en mer.
Et le salariat, en CDI, était une situation fixe et stable, donc sécurisante. Désormais, j’ai un challenge à relever tous les jours pour garantir des revenus.
Considères-tu que c’est un métier adapté à la vie de femme de marin ?
Oui, je pense qu’être photographe indépendante est une activité qui s’accommode bien avec la vie de femme de marin, car j’adapte vraiment mon temps entre vie professionnelle et vie familiale. J’aime être indépendante, entreprendre de nouveaux projets et relever des challenges !
En revanche, il est certain qu’en cas de mutation la question se posera, car aujourd’hui ma clientèle est ici. C’est tout son réseau social personnel qu’il faut reconstruire, avant de pouvoir établir un réseau professionnel.
Que conseillerais-tu à une autre femme de marin qui souhaiterait se lancer comme photographe ?
Il faut être bien entourée, surtout si elle a des enfants à faire garder, car cette activité impose des horaires atypiques. Les proches aident beaucoup dans ces moments là.
Il faut également être autonome, et aller de l’avant, être proactive.
Quels sont les pré-requis pour exercer ce métier ?
Une vraie passion, un bon équipement, et un bon relationnel !
En dehors du pro
En tant que femme, qu’est-ce que tu aimes faire quand ton marin est en mer, que tu ne fais pas quand il est là ?
Je pense que c’est le moment de prendre du temps pour soi. On le mérite bien ! Je prévois de moments de détente entre copines, et je prends le temps de faire mes albums photos !
En tant que compagne, quelles sont tes astuces pour adoucir la vie de ton marin quand il est loin de la maison ?
Je lui envoie des mails assez régulièrement en y joignant quelques photos de notre quotidien. Il suit ainsi l’évolution de notre garçon.
Si la mission perdure, je lui fais parvenir un colis avec des photos, des mots des proches, du chocolat et du saucisson !
En tant que maman, as-tu une astuce à partager pour faciliter les absences du papa de ton fils ?
Les photos ! Mettre un album photo de ses proches à disposition de l’enfant est essentiel pour qu’il puisse se rappeler des moments passés ensemble. Revoir papa en photos ou vidéos est important pour lui rappeler qu’il n’est pas loin.
Y-a-t’il autre chose que tu souhaiterais partager ?
Il faut vivre au jour le jour et ne pas attendre leur retour, être autonome, créative, et bien entourée !
Il est important de ne pas dépendre de son conjoint, pour ne pas subir les absences. Avoir une activité professionnelle épanouissante est un bon moyen d’y parvenir. Ces périodes d’absence ne doivent pas être des parenthèses dans notre vie, pendant lesquelles tout est suspendu, mais des étapes où nous continuons à évoluer.
Pour aller plus loin
L’expérience de Laura nous montre que, en vivant avec un marin, en ayant une famille à gérer seule pendant les absences, il est possible de trouver une activité professionnelle épanouissante et même de se reconvertir en cours de carrière.
La rupture conventionnelle permet de quitter son emploi tout en percevant les allocations d’aide au retour à l’emploi (ARE). Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle, c’est là.
L’activité indépendante est particulièrement adaptée aux contraintes qui peuvent être les nôtres. Dans cette optique, la micro-entreprise est un statut qui te permet de lancer ton activité en minimisant les risques et charges. Tu trouveras plus d’informations sur cette page.
Laura nous l’a rappelé, s’entourer est important et les proches aident pour garder les enfants. Néanmoins, si comme elle tu dois travailler en horaires atypiques, et notamment le week-end, il est possible de bénéficier d’aides pour faire garder tes enfants pendant les missions de ton marin. Tu trouveras plus d’informations ici.
Et si tu souhaites admirer le travail de Laura et faire appel à ses services, tu trouveras toutes les informations sur son site. D’ailleurs, pour fêter le lancement de cette rubrique dédiée à la carrière des femmes de marin, Laura t’offre 2 photos supplémentaires pour toute séance réservée avec le code MEMEBATEAU !
Tu as trouvé le job idéal pour concilier épanouissement professionnel et vie de femme de marin ? Contacte moi pour partager ton expérience !
Tu cherches de l’inspiration pour trouver la carrière qui te permettra d’assurer sur tous les fronts ? Reste à l’affût, j’ai d’autres femmes de marin épanouies à te présenter.
Merci pour cet article, ça me redonne l’espoir de pouvoir réaliser mes projets professionnels un jour 👍
Merci de ton commentaire ! Ça me fait plaisir de savoir que le blog apporte du positif car c’est vraiment la raison pour laquelle je l’ai créé. Quels sont les freins qui t’empêchent de réaliser ces projets aujourd’hui ?
Ce qui m’empêche de réaliser mes projets professionnels ce sont les horaires atypiques que j’aurais et donc la garde des enfants qui serait compliqué et avec un gros surcoût en fin de mois.
La prestation pour garde d’enfants en horaires atypiques pourrait peut-être t’aider un peu à ce niveau là.
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